Cheval dans la vigne

La vigne, le cheval et l’homme – 11 & 12 Mai 2015  – Parc des expositions de Bordeaux

 

TEASER Conférence La vigne le cheval et l’homme from Equidés & Télé on Vimeo.

Eric ROUSSEAUX, Président de la Société Française des Equidés de Travail ouvre la conférence « La Vigne, le Cheval et l’Homme ».

Cette conférence est le prélude à de nombreux échanges dans le vignoble français.

Il présente la Société Française des Equidés de Travail en quelques mots : il s’agit de la société mère des vingt quatre races d’équidés de travail locales. On retrouve trois familles : les chevaux de trait, les chevaux de territoire ainsi que les ânes et mulets. Les objectifs de la SFET sont la conservation des équidés de races locales et la préservation du patrimoine génétique, au travers de leur valorisation.

La conférence qui suit est une passerelle entre les différents socio-professionnels de l’utilisation du cheval dans la vigne : propriétaires, régisseurs, prestataires…

Le cheval dans la vigne est une image séduisante de prime abord mais dure à quantifier correctement. En effet, les charges sont calculables mais il est beaucoup plus dur de quantifier les produits.

Conférence La vigne le cheval et l’homme – 01 E. Rousseaux Introduction from Equidés & Télé on Vimeo.

 Le sol

Pénélope GODEFROY, ingénieur agronome et œnologue depuis 2007 introduit la session « Le Sol ».

Elle a vécu l’expérience de mise en place de la traction animale dans un domaine viticole bordelais de 90 hectares. L’objectif était d’avoir au final 47 hectares en traction animale.

Ce projet c’est déroulé en parallèle d’un projet de biodynamie. Il s’agit d’une recherche d’une viticulture plus propre, plus respectueuse de l’environnement.

Afin d’ancrer ce projet dans la durée, ils ont fait appels à des prestataires externes mais également au personnel interne à la propriété en formant un groupe de volontaires. Le souhait était de travailler directement derrière le cheval et non sur un sulky, d’être le plus proche possible du sol.

Le bilan est posé sept ans plus tard : 47 hectares du domaine sont en traction animale et le projet est approprié par tous les salariés. Le travail du sol est plus réfléchi et les dates de passages raisonnées en fonction de l’état du sol.

Conférence La vigne le cheval et l’homme – 02 P. Godefroy from Equidés & Télé on Vimeo.

Travail et respect du sol

Emmanuel BOURGUIGNON, ingénieur agronome, travaille au sein du Laboratoire d’Analyse Microbiologique des Sols. Son exposé sur le travail et le respect du sol est composé de deux parties : l’équilibre et le fonctionnement du sol puis le travail du sol avec les chevaux.

Equilibre et fonctionnement du sol

Le sol est un capital fragile pour la viticulture, à faire fructifier et à protéger. Il s’agit d’un carrefour multifonctionnel, support d’êtres vivants. Il est composé d’une fraction minérale, d’une fraction organique, de la solution et de l’atmosphère du sol.

Le terroir est un terme complexe et dur à définir. On peut le définir de la sorte : ce que la nature nous donne (climat, topographie, géologie). Dans le terroir, le sol est le seul paramètre réellement impacté par l’homme.

Le sol peut se dégrader plus ou moins rapidement en cas de mauvais choix : de la dégradation biologique à la chimique et enfin à la physique. Cette dernière est la seule observable à chaque fois.

Le passage des enjambeurs pose un fort problème de compaction profonde, à environ 30 centimètres. Cela génère une gestion de l’eau plus complexe et un stress hydrique de la vigne, lié à problème de système racinaire atrophié. Enfin, ceci ne permet pas d’obtenir des vins avec une identité du terroir.

En résumé, les outils actuels altèrent de manière permanente les sols.

Travail du sol avec les chevaux

Le travail du sol avec les chevaux permet de limiter le problème de compaction car ils ne posent jamais leurs sabots au même endroit. De plus, on ne retrouve pas les vibrations des moteurs qui tassent le sol. Plus on réduit ces problèmes de tassement du sol, plus on observe une augmentation de l’activité biologique du sol. Enfin, il n’y a pas de risques de pollution liés aux potentielles fuites des moteurs.

Le cheval permet également de mieux respecter les plantiers lors du travail du sol, on réalise moins de casses.

Conférence La vigne le cheval et l’homme – 03 E. Bourguignon from Equidés & Télé on Vimeo.

Le travail du sol en traction animale, itinéraire technique

Bernard DANGEARD est un laboureur travaillant en traction animale depuis 40 ans. Il intervient sur le travail du sol en traction animale, en particulier sur les itinéraires techniques.

Le travail du sol est regroupé sous le terme de labours. Il faut faire attention au vocabulaire technique qui est variable suivant les régions.

Bernard présent deux exemples de calendrier :

  • Le premier est composé de quatre labours : après la taille d’hiver, après les dernières gelées, après la floraison et après la récole.
  • Le deuxième comporte uniquement deux labours, l’un en hiver et l’autre au printemps. Ce labour était utilisé par le paysan roussillonnais après 1900. Le premier labour se faisait dans deux directions, rendu possible par l’absence de fils entre les ceps.

A partir de ses deux calendriers et de son expérience, Bernard DANGEARD en propose un indicatif :

  • De novembre à janvier : buttage à la charrue vigneronne ;
  • De mars à mai : débuttage et décavaillonnage ;
  • D’avril à juillet, voir aout : deux à trois binages successifs ;

Si l’année est humide, il est possible de réaliser un deuxième buttage très superficiel lors de la seconde quinzaine de mai avec un décavaillonnage fin juin début juillet.

L’apport éventuel d’engrais se fait avant le labour.

Il présente par la suite des outils de travail du sol : bineuse classique, canadien à 7 dents, charrue vigneronne Milon, charrue Bourguignonne, décavaillonneuse.

La modernisation des outils passe par la recherche de matériaux plus légers mais toujours solides.

Enfin, d’un point de vue culturel et social, le travail du cheval dans les vignes est un double métier entre vigneron et homme de cheval.

Conférence La vigne le cheval et l’homme – 04 B. Dangeard from Equidés & Télé on Vimeo.

 

Le cheval

Pascal SACHOT, directeur du Haras National de Villeneuve-sur-Lot, essaye de développer la traction animale sous toutes ses formes.

La réussite passe par une vraie implication, une volonté collective est nécessaire.

L’utilisation de la traction animale a un effet sur vin à venir mais également sur la culture et la pérennité vigne.

Pour réussir, il faut prendre en compte plusieurs points :

  • Le cheval est l’outil de travail, il doit être bien éduqué et spécialisé à sa fonction ;
  • L’innovation des outils, avec une recherche de matériels légers, pratiques, pas chers ;
  • Les personnes doivent être qualifiées. Travailler le sol avec un cheval est différent d’être cavalier. La formation des personnes, y compris sur l’entretien du cheval, est très importante. On ne retrouve plus de transmission générationnelle comme avant, aujourd’hui il faut passer par la formation.

Enfin, il ne faut pas mettre le cheval de partout à tout prix, son utilisation doit être économiquement viable.

Conférence La vigne le cheval et l’homme – 06 Pascal Sachot from Equidés & Télé on Vimeo.

 

Energie cheval, énergie d’avenir

Jean-Louis CANNELLE est utilisateur de traction animale, éleveur et président du CERRTA (Centre Européen de Ressources et de Recherches en Traction Animale). Il intervient sur le thème Energie Cheval, Energie d’Avenir.

Il y a une régression de l’utilisation de la traction animale au niveau mondial. Il y a quelques années, l’utilisation de l’énergie animale au niveau mondial mondiale était de 49%. Encore aujourd’hui on économise 22 millions équivalent tonne de pétrole dans le monde par l’utilisation de la traction animale. (Source FAO)

Il s’agit de rechercher une reconnaissance de la traction animale en tant qu’énergie renouvelable, durable, paysanne.

Le surcoût est d’environ 70 centimes par bouteille lorsque toutes les façons sont réalisées avec le cheval.

Il est possible de mesurer la puissance théorique d’un cheval grâce à formule lié à sa morphologie. Lors de l’événement Terre de Jim, les puissances mesurées allaient de 75 à 95 kgF. La puissance nécessaire dépend des travaux, par exemple 35 à 50 kgF pour la décavaillonneuse ou 70 kgF pour un labour pur. Un cheval mal mené a besoin de vingt fois plus de puissance pour réaliser le même travail qu’un cheval bien mené.

De plus, les outils agricoles sont peu développés ou mal adaptés au cheval. Or il est nécessaire d’être bon dans l’harnachement du cheval (collier, amortisseurs de traction…) pour qu’il puisse bien travailler.

Si l’on dépasse la capacité de traction du cheval, on entraine un vieillissement prématuré des tissus musculaires et cartilagineux. Il faut prendre soin du cheval, utiliser des aides à la récupération… comme sur les chevaux de sport.

Conférence La vigne le cheval et l’homme – 07 JL. Cannelle from Equidés & Télé on Vimeo.

 

Le cheval dans la vie quotidienne

Bernadette LIZET est chercheur au CNRS. Elle a publié en 1982 un ouvrage : Le cheval dans la vie quotidienne. Elle intervient sur la place du cheval dans la vie quotidienne.

  • Apogée du cheval de travail au 19ième.

Il s’agit d’une période d’intense perfectionnement technique. Le cheval est de partout. On observe une diversité de statuts très importante pour les chevaux et les hommes de chevaux.

Au milieu 19ième, la Société Protectrice des Animaux est constituée. Les métiers de cochers et charretiers sont très contrôlés.

Par la suite, le cheval en tant qu’outil de travail a été marginalisé mais il n’a jamais totalement disparu.

  • Retour en deux vagues successives.
  • Années 80 : néo-rurale, retour à la terre.

La sélection se fait alors dans le sens de l’augmentation du rendement de la viande, mais en parallèle l’utilisation du cheval de trait est incitée. L’attelage avec les traits est intégré dans le sport fédéral. Plusieurs associations œuvrant pour l’utilisation de la traction équine sont créées : ARTAP, HIPPOTHESE, PROMMATA

  • 2000 : écologie et agro-écologie

Cette vague connait la première installation d’un cheval territorial à St Pierre sur Dive.

On y retrouve diverses préoccupations et motivations : ne pas nuire à l’environnement, produire des aliments sains, conserver les races équines… en étant efficace techniquement et économiquement.

Aujourd’hui, l’injonction est à l’utilisation. Depuis 2000, un syndicat national des cochers a été créé, ainsi que Débardage Cheval Environnement et la Société Française des Equidés de Travail.

La passion technique et l’engagement collectif sont des points communs aux deux vagues.

Il faut aujourd’hui réfléchir à une passerelle entre les mondes de la traction animale et de l’agro-écologie paysanne.

Conférence La vigne le cheval et l’homme – 08 B. Lizet from Equidés & Télé on Vimeo.

 

Des chevaux à Château Le Puy

Pascal AMOREAU est propriétaire d’un domaine viticole au Nord Est de Saint Emilion où Eric RAMBOURD est un salarié laboureur.

Le choix de l’utilisation du cheval s’est fait suite à des problèmes de tassement. Toutes les nouvelles parcelles sont redémarrées au cheval, ainsi que quelques anciennes. Le pourcentage de terres travaillées au cheval est passé de 1,5 hectares en 2010 à 10 hectares en 2014. L’objectif final est d’avoir tout le domaine en traction animale.

Eric RAMBOURG présente son retour d’expérience

Le cheval doit être adapté à son travail, avec un débourrage et un dressage efficace. Il faut être attentif à son bien être : soin, espace de vie suffisant, compagnie, équipement adapté…

Le meneur doit avoir une bonne formation, une connaissance et une compréhension des chevaux. Il doit être calme, patient et à l’écoute du cheval. Il doit pouvoir anticiper les problèmes pour rester en sécurité. Une bonne condition physique est nécessaire, ainsi qu’une bonne disponibilité et une flexibilité de ses horaires. Enfin, il est très important que le meneur sache s’arrêter au bon moment.

Le matériel doit être de qualité et adapté au cheval, à sa puissance et à la qualité du terroir.

Le propriétaire ou les décisionnaires doivent accepter que les parcelles dédiées au cheval lui soient totalement dévouées. L’animal à des limites, ils doivent les respecter.

Enfin les collègues du laboureur doivent se rappeler que le cheval est un animal craintif, il faut faire attention à ne pas le surprendre.

Pascal AMOREAU intervient pour présenter le coût de la traction animale sur le château en 2014

Il présente un comparatif sur année 2014 entre un tracteur et un cheval sur base de 6 hectares, ce qui correspond environ à la charge de travail d’un laboureur.

L’investissement est réparti de la sorte : 5 000€ pour l’achat d’un cheval, 1 800€ pour l’harnachement, 2 300€ pour les outils. Le coût annuel d’entretien d’un cheval est composé de 250€ de nourriture, 300 € de soins, 120€ divers

Le rendu horaire pour un hectare est très différent entre le cheval et le tracteur mais dépend des années. En 2014, les employés ont travaillé pour un hectare 132 heures au cheval contre 26 heures au tracteur.

Ceci entraine un salaire moyen à l’hectare pour le travail du sol uniquement : 396€/ha au cheval contre 431€/ha au tracteur

Mais il faut également prendre en compte l’amortissement du tracteur sur 15 ans, avec un prix d’achat de 70 000€, contre 10 ans pour un cheval avec un prix d’achat de 5 000€.

Ainsi le coût à l’hectare par an est de 3 946€ au cheval et de 5 811€ au tracteur, tout compris.

Sur 6 hectares, l’amortissement reste le même, le coût est donc de 16 000€ au cheval et de 8 500 € au tracteur. Ces données sont très variables suivant les années à cause du temps de travail.

Dans son domaine, ils ne traitent pas encore avec le cheval. Il faut auparavant envisager les protections pour le meneur mais également pour le cheval.

Les parcelles travaillées au cheval sont de plus en plus simples chaque année, la différence est visible dès trois, quatre ans.

Conférence La vigne le cheval et l’homme – 09 TR Château Lepuy from Equidés & Télé on Vimeo.

Table ronde des laboureurs

 Suzanna TEIXEIRA

Suzanna s’est reconvertie via un BTS viti-oenologie. Lors d’une formation, elle rencontre Ramon Garcia. Elle s’installe en temps que prestataire de services en 2012 puis reprend une partie de l’entreprise de Ramon.

Le travail avec le cheval est un plaisir, alliant sa passion de l’animal et le travail avec la terre et la vigne. En tant que femme, il faut faire sa place, prouver qu’on est capable de faire ce travail.

Eric SEUVE

Eric a 50 ans et a une entreprise de travaux agricole en traction animale depuis 2009. Il est viticulteur et éleveur de formation. Il monte son entreprise de travaux agricole en 2000 avant de passer en traction animale 9 ans plus tard, alliant passion et travail. Sa rencontre avec Ramon a été déterminante dans son parcours.

Frédéric MURCIA

Frédéric est un laboureur de 31 ans. Après des études dans l’environnement et quatre ans de recherche, il découvre l’utilisation du cheval de trait. Il rencontre des laboureurs puis décide de se former. Il est actuellement salarié en Corse, où l’isolement est complexe au vu de sa jeune expérience. Il a le projet de revenir en Aveyron et de constituer un groupe de prestation de travail. Le réseau est très important dans ce milieu.

Discussion

Il est nécessaire de toucher public plus jeune, via par exemple des conférences en lycée ou encore les EquiTrait Jeune. Il y a un fort manque de médiatisation.

Les laboureurs ressentent un manque de personnes qualifiées. Il est compliqué d’employer en CDI au vu de la saisonnalité du travail. Il faut avoir une activité complémentaire en hiver, comme la taille des vignes ou le débardage.

La Formation, différents dispositifs de financement

Abel BIZOUARD

Abel BIZOUARD est un éleveur de chevaux de trait Auxois en Bourgogne, il est formateur depuis 32 ans au lycée viticole de Beaune.

Il enseigne une formation spécifique, l’utilisation de la traction équine en viticulture. Elle est composée de quatre modules : l’agronomie, l’hippologie, la connaissance du harnais et du matériel et la mise en pratique. Une formation viticole préalable est obligatoire pour intégrer ce programme.

Divers types de financements pour la formation sont possibles suivant le statut du demandeur : VIVEA, FADSEA, Conseil Régional.

Plusieurs types de formations sont disponibles concernant l’utilisation des chevaux de travail : brevet professionnel, CS chevaux attelé.

Beaucoup de personnes qui arrivent en formation avec un projet d’insertion.

La formation dure 900 heures, ce n’est pas trop, presque trop peu pour quelqu’un qui arrive sans connaissances préliminaires sur le cheval.

Enfin, on retrouve le problème de la saisonnalité, il faut former des prestataires multiservices.

 

Perspective de l’utilisation de la traction animale dans les vignobles

Bernard DANGEARD et Laurence ALIAS

Laurence ALIAS est vigneronne sur deux hectares dans le Sud Médoc. Elle s’est tournée vers la traction animale en 2011 dans sa recherche d’autonomie. La traction animale est une solution économiquement viable sur une petite surface.

Bernard DANGEARD présente trois aspects de la perspective de l’utilisation de la traction animale dans les vignobles.

D’un point de vue technique, il est nécessaire de travailler en réseau. De plus, il met en avant l’importance du bon moment.

Concernant la politique, une étude sur la perspective du niveau énergétique prenant en compte l’énergie animale serait intéressante. On peut faire le parallèle avec le tramway, supprimé dans les années 70 avant de revenir dans toutes les villes. L’utilisation du cheval peut-elle être soutenue ?

Enfin, l’acceptation sociale et culturelle passe par la mixité, le travail dans le silence.

 

Conclusion

Eric ROUSSEAUX conclu la conférence « la Vigne, le Cheval et l’Homme ».

Il évoque les différents points soulevés lors de la conférence. Celle-ci a permis de remplir la colonne « charges » du bilan de la traction équine. La colonne « produits » est toujours plus complexe à remplir. Il manque des données sur la plus value du bilan économique. Il faut démonter le bien fondé de cette démarche.

Il est possible de faire le lien avec le Parcours d’Excellence du Jeune Equidé de Travail mis en place par la SFET, qui permet d’avoir des équidés caractérisés, dont on connaît les aptitudes. De plus, il faut également faire le lien avec les éleveurs qui doivent connaître la demande des prestataires et donneurs d’ordres pour y répondre au mieux.

La voie du labour au cheval s’ouvre à nous.

Conférence La vigne le cheval et l’homme – 10 Lendemain Tour en bus from Equidés & Télé on Vimeo.